MSF met au jour le double standard dans la prise en charge du diabète et les fortes marges pratiquées par les sociétés pharmaceutiques

Des stylos à insuline et de capuchons d'aiguilles à côté d'un glucomètre à la clinique MSF d'Arsal, au nord du Liban, où MSF a réintroduit les stylos à insuline dans le cadre des soins médicaux gratuits pour les personnes atteintes de diabète de type 1.
Des stylos à insuline et de capuchons d'aiguilles à côté d'un glucomètre à la clinique MSF d'Arsal, au nord du Liban, où MSF a réintroduit les stylos à insuline dans le cadre des soins médicaux gratuits pour les personnes atteintes de diabète de type 1. © Carmen Yahchouchi/MSF

Un rapport publié aujourd'hui par Médecins Sans Frontières (MSF) et T1International en amont du Symposium sur le diabète dans les crises humanitaires à Athènes, se penche sur le coût de production des stylos d'injection d'insuline* et des nouveaux médicaments contre le diabète, révélant des marges importantes des sociétés pharmaceutiques. Alors qu'Eli Lilly, Novo Nordisk et Sanofi dominent le marché du diabète** et peuvent donc fixer des prix aussi élevés qu'ils le souhaitent, il est urgent que les gouvernements et les décideurs politiques prennent des mesures pour réduire les prix et remédier à l’absence de concurrence sur le marché de ces traitements. Le rapport indique également que les personnes atteintes de diabète préfèrent utiliser des stylos à insuline, plus pratiques et plus sûrs, plutôt que des flacons et des seringues, en particulier dans les contextes fragiles et de crise humanitaire.

Alors que les stylos à insuline constituent la norme de soins dans les pays à hauts revenus, leur prix élevé signifie qu'ils ne sont presque jamais disponibles pour les habitants des pays à revenus faibles et moyens, et qu'ils sont rarement utilisés par les agences humanitaires, MSF étant l'une des rares organisations à en proposer actuellement.

« Au Liban, le fait d'offrir des stylos aux diabétiques dont nous nous occupons a eu un impact significatif et positif sur leur qualité de vie, en particulier pour les enfants qui sont plus enclins à respecter leur traitement grâce à des stylos plus faciles à utiliser et moins douloureux », explique le Dr Sawsan Yaacoub, pédiatre pour MSF au Liban. « Vivre avec le diabète est un défi, où que l'on se trouve dans le monde. Maintenant que nous avons cette option de traitement avec les stylos à insuline, il faudrait étendre leur disponibilité au plus grand nombre, d’autant que les stylos pourraient être tout à fait abordables si les sociétés pharmaceutiques les fixaient à des prix justes et sans majorations inutiles. »

L'enquête menée par MSF et T1International auprès de plus de 400 personnes sous insuline dans 38 pays a révélé que 82% de celles qui avaient utilisé les différents modes d’administration préféraient utiliser les stylos, car ils permettent d’injecter la dose adéquate, ils sont moins douloureux et sont moins stigmatisants lorsqu'ils sont utilisés en public.

De plus, l'expérience de MSF a démontré que les stylos sont beaucoup plus faciles à utiliser et à transporter dans des contextes où le risque de conflit, de catastrophe naturelle et/ou de déplacement est élevé. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu la valeur ajoutée des stylos à insuline et des analogues de l'insuline à action prolongée, en les incluant récemment dans leur liste des médicaments essentiels, qui est utilisée par les pays pour hiérarchiser leurs propres listes de médicaments essentiels et leurs plans d'approvisionnement.

D'après les recherches menées par MSF sur les coûts de production, les stylos à insuline analogiques pourraient être vendus à profit pour un prix aussi bas que 111 dollars par patient et par an, ce qui inclut l'insuline et le dispositif nécessaire pour l'injecter. C'est 30 % de moins que l'insuline humaine en flacon avec seringues, qui a toujours été considérée comme l'option la plus abordable et donc la seule proposée aux habitants des pays à revenus faibles et moyens ou dans des contextes de crise. Les stylos d'insuline analogique à longue durée d'action sont vendus, par exemple, 2,98 dollars en Afrique du Sud, 7,88 dollars en Inde et 28,40 dollars aux États-Unis, alors que le prix basé sur les coûts est de 1,30 dollar par stylo, ce qui révèle la marge indécente pratiquée par les entreprises.

« Nous avons montré qu'il pouvait être plus abordable d'utiliser des stylos à insuline plutôt que les anciens flacons et seringues. Ainsi, quel que soit l'endroit où une personne vit, elle devrait pouvoir bénéficier du traitement du diabète qu'elle préfère », a déclaré le Dr Helen Bygrave, conseillère pour la campagne d'accès de MSF. « Les sociétés pharmaceutiques Eli Lilly, Novo Nordisk et Sanofi doivent baisser les prix de leurs stylos à insuline dès maintenant et, dans le même temps, les organisations humanitaires doivent commencer à acheter des stylos à insuline et les intégrer plus systématiquement dans les soins qu'elles fournissent. Il n'y a vraiment aucune excuse à la politique de deux poids deux mesures qui prévaut aujourd'hui dans le traitement du diabète ».

En outre, Eli Lilly et Novo Nordisk sont les seuls producteurs d'une nouvelle classe de médicaments, les agonistes des récepteurs du GLP-1, pour traiter les personnes diabétiques. Ces sociétés pratiquent des prix astronomiques car leurs barrières de propriété intellectuelle empêchent les fabricants de produits génériques d'entrer sur le marché, ce qui pourrait contribuer à faire baisser les prix. Un GLP-1 couramment utilisé, le semaglutide, pourrait être vendu à profit pour seulement 0,89 $ par mois, mais il coûte 115 $ par mois en Afrique du Sud, 230 $ en Lettonie et 353 $ aux États-Unis, soit près de 40 000 % de plus que le prix estimé d'un générique. En plus de faire baisser les prix, la présence d'autres fabricants sur le marché permettrait de répondre à la demande mondiale de ces nouveaux médicaments, ce qu'Eli Lilly et Novo Nordisk ont encore du mal à faire seuls.

*L'insuline est classée en tant qu'insuline humaine ou analogue, en fonction de son délai et de sa durée d'action. Les analogues de l'insuline, bien que semblables aux insulines humaines dans leur structure de base, ont été modifiés pour changer leur délai et leur durée d'action après l'injection, ce qui permet une plus grande flexibilité d'utilisation pour les personnes vivant avec le diabète.

**Eli Lilly et Novo Nordisk produisent de l'insuline et des GLP1. Sanofi produit l'insuline.

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